Dossier

Littoral : s'adapter contre vents et marées

Les littoraux sont en première ligne du changement climatique, avec l'érosion et la montée des eaux. Anticiper et s’adapter pour ne pas subir ses conséquences est déterminant.

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Le tour de la question

Les côtes littorales françaises concentrent d'importants bassins de populations et de nombreuses activités économiques stratégiques. Elles sont également riches de nombreux espaces naturels et d’une biodiversité diversifiée, notamment en Outre-mer. 

Le littoral attire les foules 

 

 

Plages de sable, dunes, falaises, marais ou mangroves, la morphologie du littoral français est variée. En réalité, il n’y a pas un littoral mais des littoraux.

 

La France compte 20 000 km de côtes, ce qui en fait le 2e espace maritime mondial derrière les Etats-Unis. La richesse paysagère et écologique de ses littoraux est une ressource unique et rare. Avec plus de 2/3 de ses côtes situées en Outre-mer, c’est peu dire que les enjeux sont extrêmement différents selon les territoires ! Il est important de prendre en compte ces caractéristiques pour élaborer une trajectoire d’adaptation sur-mesure. Ce sont autant de réponses différentes à apporter ; autant d’adaptations différentes à mener.

D'ailleurs, le littoral ne se limite pas uniquement à la bande de sable entre Terre et mer que forme le « trait de côte » ; le « rétro-littoral » doit lui aussi être pris en compte. Au sens physique du terme, le littoral est la bande comprise entre le niveau des plus basses mers et celui des plus hautes mers, donc ce que couvre et découvre la mer : il correspondrait dans ce cas à l'estran. Mais c'est une définition beaucoup trop réductrice pour rendre compte du rôle d'interface que joue le littoral entre son avant-pays maritime et son arrière-pays terrestre.

 

Le Grand témoin : Isabelle Autissier

Écouter l'interview

 

Les côtes françaises sont de plus en plus attractives, à la fois pour les populations souhaitant s’installer dans un cadre de vie unique ou pour celles qui espèrent en profiter provisoirement. Une majorité de Français privilégie le bord de mer pour les congés d'été depuis au minimum 40 ans. La pression saisonnière est alors ponctuellement très forte sur les équipements et les services comme les transports ou les réseaux d’eau. 

Quand les peuples avaient auparavant plutôt tendance à s’éloigner des côtes, se méfiant de l’élément liquide, la mode du tourisme balnéaire au XIXe siècle a peu à peu rapproché les populations du front de mer. Plus tard, les politiques volontaristes des années 1960 pour aménager ces territoires ont fixé le trait de côte de manière artificielle avec les ports, les habitations et hôtels en bord de mer et les zones économiques parfois très proches de l’eau, celles-ci étant majoritairement liées au tourisme, mais pas uniquement. Ces décisions ont accentué l’érosion dans certaines zones et les risques de submersion en concentrant des populations et des activités dans des zones où était déjà présent l’aléa de submersion marine. 

La suractivité menace aussi les fonds marins.



Les littoraux sont également concernés par des phénomènes d’érosion des plages sableuses. Si le trait de côte a toujours évolué en raison de la dynamique des sédiments qui s’érodent ou s’accumulent naturellement, depuis plusieurs années, le changement climatique augmente les effets de ces phénomènes. 

Une liste de 317 communes « à risque » a été établie sur la base du volontariat (Journal officiel).

© Stéphan Gladieu

L’équivalent d’un terrain de football disparaît chaque semaine du littoral français en raison de l’érosion.

Christophe Béchu

ex-ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires (avril 2024)

En première ligne

 

Les océans et les mers jouent pourtant un rôle majeur dans la régulation du climat et sa stabilité au niveau de la planète. Aujourd’hui, l’estimation de la trajectoire de réchauffement par rapport à l’ère post-industrielle, dans l’hypothèse du maintien des politiques d’atténuation telles quelles sont en 2024, est de +4°C à la fin du siècle en France (selon les projections de Météo France). Les eaux océaniques et continentales absorbent la majorité du réchauffement climatique.

On estime qu’en moyenne, la mer monte d’environ 

mm/an

Si la température de la planète continue de se réchauffer, le niveau des mers pourrait s’élever jusqu’à 1 m après 2100 (même si cela pourrait être beaucoup plus car l’incertitude demeure sur l’ampleur des conséquences du changement climatique au-delà d’un certain niveau de réchauffement, d’où des prévisions plus alarmistes allant jusqu’à +4 m en cas de déstabilisation des deux pôles selon la géographe Valérie Morel). Cela pourrait entraîner une surcote énorme et provoquer un risque accru de submersion et définitif dans les zones basses jusqu’à l’arrière-pays littoral. 

Élaboré dans le cadre de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, l’indicateur national de l’érosion côtière présente la mobilité passée du trait de côte en métropole et dans les 5 départements et régions d’outre-mer. L’objectif est une meilleure prise en compte des phénomènes d’érosion dans les politiques publiques et les stratégies locales afin d’anticiper leurs effets et d’adapter les aménagements.

Ces phénomènes ne se matérialisent pas de la même façon selon les territoires et au sein même d’une commune. En Guadeloupe, sur 629 km de trait de côte, 160 km pourraient être touchés par l’érosion côtière d’ici 2030. En Guyane, ce phénomène se poursuit sur les bords des fleuves Oyapock, Maroni, Mana et leurs affluents. L’intérieur des terres est lui aussi touché par des glissements de terrain, comme dans le nord de la Martinique. 
Sur le territoire métropolitain, la Région Normandie est l’une des régions les plus concernées par l’érosion de son littoral : le recul de la façade maritime ouest allant du Mont-Saint-Michel à la pointe de la Hague, bien connue des touristes, peut aller jusqu’à 5m/ an en fonction des secteurs, notamment à Etretat, selon la Scet.

Les territoires littoraux et ultra-marin sont également concernés par d’autres impacts du changement climatique. Les périodes de sécheresse (sur toute la Martinique notamment) ne permettent pas de reconstituer les capacités des nappes phréatiques. Ces territoires sont également concernés par la prolifération des sargasses qui constituent un réel enjeu pour les habitants, la biodiversité et l’économie touristique.

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Crédit Paroles de Philippe Labro / ℗ 1970 Mercury Music Group

Un peu d’Histoire... 

Dès 1681, une ordonnance de Colbert définit juridiquement le littoral afin de ne pas gêner l’exercice de la pêche et de la navigation. Après la Seconde guerre mondiale, la reconstruction du pays fait émerger la nécessité d’organiser l’aménagement du territoire, de corriger les déséquilibres et d’orienter les développements spatiaux. Pour le littoral, cela commence en Languedoc-Roussillon avec la mission Racine. Objectif : transformer l’économie de la région qui, à l’époque, repose essentiellement sur l’agriculture, en conduisant de grands travaux d’infrastructures. La question qui se pose désormais est la suivante : comment continuer à développer ce territoire tout en le préservant ?

1967-1988 La MIACA (Mission interministérielle d’aménagement de la côte Aquitaine) entend maîtriser à la fois le développement touristique et la préservation paysagère et environnementale du littoral aquitain.
1973 Le rapport Piquard dresse un état des lieux et entame une réflexion sur la protection des littoraux. Il aboutit notamment à la création du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, deux ans plus tard.
1986 La loi dite "Littoral" organise l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral – notamment la bande des 100 mètres, délimitée à partir de la limite haute du rivage et réputée inconstructible.
1995 Création du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, pour indemniser les propriétaires expatriés en raison des risques prévisibles menaçant les vies humaines générés par des mouvements de terrain, avalanches ou crues torrentielles.
2009 Grenelle de la mer pour définir une stratégie nationale pour la mer et le littoral.
2012 Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte (SNGITC) pour renforcer la connaissance du trait de côte et favoriser la mise en place de stratégies locales d’adaptation.
2017-2027 Plan littoral 21 – prévu par le Premier ministre, la région Occitanie et la Caisse des Dépôts pour guider l’action publique en Occitanie en matière d’atténuation des vulnérabilités et de recomposition spatiale, par la planification, la règlementation, l’appui technique et le soutien financier.

 

Anticiper et s’adapter

 

« Loue résidence les pieds dans l’eau » : si ce type de petite annonce peut avoir tendance à faire rêver lorsque l'on recherche une location pour l’été, la situation pourrait en réalité se transformer en cauchemar... Et si l’immeuble en question ne pouvait même plus résister face à l’érosion maritime ?
La tragique tempête Xynthia en 2010, qui a fait 47 victimes et des dégâts considérables sur la côte atlantique, a enclenché une dynamique de réflexion nationale autour de la gestion du risque : le changement climatique a de forts impacts sur l’organisation territoriale, l’aménagement du territoire et ses activités économiques (productive et touristique). Que ce soit en Outre-mer ou en métropole, ses conséquences sont de plus en plus visibles. Les épisodes météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents, le recul du trait de côte ou encore la baisse de la biodiversité nécessitent que nous accélérions notre transition écologique (en termes d'atténuation et d'adaptation), et ce, dans tous les territoires.

 

S’adapter, c’est anticiper les risques ; c’est définir une trajectoire en proposant des solutions à un moment T et en les revoyant de temps en temps. Il faut mettre en place plusieurs solutions ensemble et s’éloigner des réponses uniques. 

La France doit mieux se préparer : sans une anticipation et une trajectoire d’adaptation ambitieuse en amont, combinant différentes solutions à court, moyen et long terme, le coût des réparations, donc des charges publiques, et les impacts socio-économiques (impact sur le système de santé, inefficacité des transports, productivité du travail, etc.) seront très lourds. 

Le think tank i4CE (fondé par la CDC et l’Agence française de développement) a estimé le coût de l’inaction entre 20 et 45 Md€ (soit 1,3 point du PIB national) si aucune mesure d’anticipation est prise. Le coût de l’adaptation dépend avant tout de la manière dont on choisit de se préparer.

 

Lire le rapport d'i4CE sur les coûts de l'adaptation

La bonne nouvelle est que les acteurs économiques mènent des actions pour l'adaptation, mais le plus souvent ils le font en réaction. Ils font de la maintenance. Il n'y a pas beaucoup d'anticipation.

Benoit Leguet

directeur général de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE)

Face à tous ces enjeux, le rapport coordonné par Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz souligne le « mur d’investissement » auxquels doivent faire face les acteurs territoriaux pour adapter leur territoire aux impacts du changement climatique.

Pendant longtemps, la prévention des risques s’est traduit par une « lutte contre » en protégeant les populations et les activités, comme le résume bien Jean-François Bloc, élu local normand depuis 1983 : « Ma première décennie a consisté à résister à la nature, la seconde, à la subir et durant la troisième, j’anticipe l’avenir » dans la Gazette des communes.  Aujourd’hui, les mentalités évoluent progressivement et plusieurs territoires pionniers s’engagent dans une démarche de définition et de mise en œuvre d’une trajectoire d’adaptation au changement climatique combinant différentes solutions à court, moyen et long terme. 

Les élus locaux font face à des défis d’une complexité et d’une portée inédite. Ils doivent répondre à des enjeux de très court terme tout en anticipant l’évolution de leur territoire à moyen-long terme pour garantir son habitabilité, dans un mandat électif limité. Les enjeux sont nombreux : mieux connaitre et appréhender les dynamiques du littoral et les impacts du changement climatique, définir une trajectoire d’adaptation et organiser l’action à court, moyen et long terme en combinant différentes solutions d’adaptation et de financements. 

Le Grand témoin : Isabelle Autissier

 

 

 

 

 

 

Isabelle Autissier est navigatrice, ingénieure agronome, présidente d’honneur du WWF-France.

En action !

La réalité du changement climatique nous incite à agir avec plus de force pour garantir l’habitabilité de nos territoires : c’est-à-dire pouvoir habiter, se nourrir, avoir accès à de l’eau potable, etc. dans un climat profondément transformé à l’horizon 2100. 

Les actions mises en place par le groupe Caisse des Dépôts peuvent être regroupées en deux catégories :
- Accompagner les territoires dans la définition de plans d'action pour s'adapter au changement climatique et dans la mise en œuvre opérationnelle des projets ;
- S'engager aux côtés des acteurs de la finance pour financer l’adaptation.

Dans le grand bain avec les collectivités

 

Face aux enjeux multiples que le changement climatique impose sur nos territoires, les littoraux français doivent s’adapter en profondeur. Les collectivités sont et seront en première ligne face aux impacts du changement climatique et à la nécessité de développer la résilience de leurs territoires, les acteurs devant faire face à des décisions d'une portée et d’une complexité inconnues. Ce contexte appelle un accompagnement fort et adapté aux spécificités territoriales pour développer des stratégies d’adaptation qualitatives et l’émergence de projets à court, moyen et long terme. 

Dans ce contexte, la Banque des territoires a initié en 2022 un plan d’action pour accompagner l’adaptation des territoires au changement climatique, Ce sujet a été priorisé comme une des 16 mesures phares du Plan Stratégique de la Banque des Territoires à horizon 2028. Il s’agit d’accompagner les acteurs territoriaux avec l’ensemble des partenaires nationaux, régionaux et locaux, dans la définition et la mise en œuvre de trajectoire d’adaptation combinant différentes solutions. Une partie de ce Plan est spécifiquement dédiée aux littoraux et à l’Outre-mer.

© Stéphan Gladieu

La Banque des territoires mobilise pour cela différents moyens d’actions : ingénierie, financements (prêts, investissement), et consignation. L'objectif est de soutenir le passage à l’opérationnel de projets adaptés aux enjeux locaux à différentes temporalités avec l’ensemble des partenaires impliqués. 

En définissant des plans d’actions permettant d’intégrer les impacts du changement climatique (érosion, submersion, inondation, etc.), les acteurs territoriaux organisent la combinaison de différentes solutions adaptées à court, moyen et long terme et répondant aux enjeux locaux : renaturation et restauration d’espaces naturels, recomposition du territoire, protection, etc. Un autre volet du plan consiste à anticiper les scénarios dégradés où des événements extrêmes qui impliqueraient une réponse rapide et opérationnelle de résilience. 

 

La loi « Climat et résilience » de 2021 apporte aux communes de nouveaux outils pour penser plus loin l’aménagement d’un territoire, parmi lesquels la consignation. Désormais, les plans locaux d’urbanisme doivent délimiter les zones exposées au recul du trait de côte dans un horizon compris entre 30 et 100 ans. Il reste possible de construire dans ces zones sous réserve d’une remise en état des terrains concernés. Pour cela, la somme correspondant au coût de démolition doit être consignée à la Caisse des Dépôts. Autrement dit, lorsque le recul du trait de côte menacera la sécurité des personnes vivant ou fréquentant la construction située en zone d’érosion côtière, l’autorité administrative (maire, président d’EPCI, préfet) pourra ordonner au propriétaire de démolir les édifices et de remettre les terrains en état. La mise en œuvre de cette mesure est en attente du décret d'application. 

 

Protéger et adapter l'existant

 

La prise en compte des risques climatiques vient modifier la priorité des risques : la résilience des modèles économiques et la soutenabilité du modèle de développement sont autant d’éléments qui vont impacter la valeur et la résilience des actifs en tant que tel et la pertinence des financements à court, moyen et long terme. À court terme et au regard des enjeux menacés, la question de la protection des personnes, des biens et des activités se pose dans les territoires (en lien avec les plans de prévention des risques, les programmes d’actions de prévention d’inondations, les stratégies de gestion intégrée du trait de côte).

Dans ce cadre, la Banque des territoires accompagne les acteurs territoriaux dans l’élaboration de plans d’action d’adaptation ou de schémas de résilience sur la base des vulnérabilités systémiques (inondations, érosion, submersion, érosion de la biodiversité, vague de chaleurs, incendies, etc.). Elle aide à la priorisation des actions au regard des moyens financiers et humains, appuie l’opérationnalisation des projets d’aménagement, d’adaptation de l’activité économique, de gestion des ressources, ainsi que l’expérimentation de solutions. 

L’enjeu est d’imaginer une nouvelle façon de penser le territoire et reconsidérer notre façon de l’occuper en lien avec le vivant, par exemple, en expérimentant la construction de bâtiments et d’habitations qui pourraient être plus légers et délocalisables au regard de l’évolution de la montée du niveau de la mer, en faisant évoluer les activités qu’on y pratique, etc.

© Stéphan Gladieu

 

Zoom sur... Lacanau s’adapte au fil de l’eau

La Banque des Territoires accompagne par exemple les collectivités de Nouvelle-Aquitaine, via un partenariat avec le GIP littoral, afin de soutenir le passage à l’opérationnel des projets d’adaptation identifiés à court et moyen terme dans la trajectoire d’adaptation définie par les acteurs territoriaux. Pour cela, la Caisse des Dépôts cofinance plusieurs études depuis 2022, avec une mobilisation de plus de 1 M€ sur 2023-2024.

La célèbre station balnéaire de la côte atlantique compte 4 500 habitants à l'année et plus de 80 000 en été. Véritable poumon économique du sud-Médoc grâce à son activité touristique, son littoral est très vulnérable aux aléas climatiques. À tel point que la plage centrale pourrait disparaître dans les années à venir… 

 

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Crédit © Caisse des Dépôts

Autre exemple, dans le cadre du programme national Action Cœur de Ville, dont la CDC est partenaire depuis 2017, Morlaix communauté et la ville de Morlaix travaillent à la réouverture de la rivière de Morlaix. Etablie en fond d’estuaire et à la confluence de deux rivières, la ville est très vulnérable aux inondations, dont elle a vécu plusieurs épisodes, ainsi qu’au risque de submersion marine (les deux phénomènes pouvant d’ailleurs se cumuler). L’élévation toujours plus rapide du niveau de la mer augmente la vulnérabilité des infrastructures, notamment en centre-ville. Cela risque, à terme, de mettre en péril l’attractivité de la ville. La réouverture de la rivière est un projet de très grande ampleur et de nombreux paramètres doivent encore être analysés pour conforter les bases techniques de mise en œuvre. La phase pré-opérationnelle d'aménagement urbain est estimée à plus d’1M€ et doit se dérouler en concertation avec les parties prenantes. La Banque des Territoires a signé une convention pour les accompagner dans l’approfondissement de leur réflexion stratégique, dans une logique d’aide à la décision. Elle leur apporte un appui opérationnel à la réalisation de projets et permet de tester de nouvelles solutions d’adaptation face aux impacts du changement climatique.

 

Les experts de la SCET (filiale de la CDC spécialisée dans l’aménagement du territoire) estiment que nous devons changer de modèle pour préserver les capacités protectrices des espaces naturels littoraux et arrière-littoraux. Il faudrait faire en sorte de limiter les ouvrages artificialisant les côtes car jusque récemment, la tendance était plutôt à certains endroits à la bétonisation du rivage. On mesure aujourd’hui les effets négatifs de ces choix, comme la perturbation des dynamiques naturelles, le coût d’entretien des infrastructures vieillissantes et émettrices de carbone, etc. 

Lire le rapport de la SCET 

 

Selon l’institut d’études et de recherche spécialiste du climat i4CE (fondée par la Caisse des Dépôts et l'Agence Française de Développement), « il faut provoquer un réflexe d’adaptation », c’est-à-dire tenir compte du changement climatique quand on prévoit un investissement, des travaux sur l’espace public, sur la construction. Pour cela, il serait nécessaire de prendre en compte la durée des actifs dans chaque nouveau projet (comme la durée de vie d’un bâtiment, par exemple). 

 

Le choix de la renaturation

Les espaces naturels et forestiers, déjà soumis aux pressions de l’Homme, doivent être protégés et adaptés aux conséquences du réchauffement climatique, sous peine de disparaître. Depuis 2016, le programme Nature 2050, initié et piloté par CDC Biodiversité, vise justement à renforcer l’adaptation des territoires au changement climatique. Il contribue à préserver et restaurer la biodiversité à horizon 2050 par la mise en œuvre de solutions fondées sur la nature. Pour cela, l’entité, filiale de la Caisse des Dépôts, cofinance avec le Fonds Nature 2050 des projets portés par des acteurs locaux et les accompagne jusqu’à leur réalisation.

 

La carte des réalisations Nature 2050

© Stéphan Gladieu

Un des projets prévoit par exemple la restauration écologique des dunes du Pays de Monts, en Vendée, très fréquentées en été. Le but est de préserver et restaurer la dune grise et les dunes embryonnaires du piétinement afin qu’elles retrouvent leurs caractéristiques écologiques et leurs fonctionnalités, notamment face à l’érosion du littoral.

Le site des falaises de Sainte-Anne, en Guadeloupe, en proie à l'érosion, fait l’objet d’un projet de désartificialisation et de restauration de la couverture végétale sur les falaises et plages du littoral. La préservation de ce site emblématique, haut lieu de pontes des tortues marines, est un enjeu local majeur pour conserver des espèces indigènes rares voire menacées d’extinction. 

Souvent, la nature peut simplement se suffire à elle-même. La restauration des espaces naturels permet de faire revivre des services écosystémiques essentiels, tel que le stockage de carbone. 

La mangrove de Jarry, à Baie Mahaut en Guadeloupe va être restaurée grâce au programme Nature 2050 de CDC Biodiversité en lien avec le Conservatoire du littoral, qui porte le « projet Ja-Riv ». Celui-ci vise à restaurer les habitats naturels et les fonctions biologiques et hydrauliques associées à la forêt humide et devrait permettre à la mangrove de retrouver sa fonction première de zone-tampon. Grâce à sa capacité d’absorption et de stockage de l’eau, elle contribue en effet naturellement à diminuer l’intensité des inondations et des épisodes de sécheresse et, ainsi, à lutter contre l’érosion côtière.

La renaturation est une des actions prioritaires du Conservatoire du littoral dont est partenaire la Banque des territoires. Cet établissement public en charge de la préservation du littoral français depuis 1975 dispose de ses propres moyens pour acquérir du foncier. 

 

La Banque des Territoires soutient le programme Adapto+ (2024-2029). Cette démarche, initiée par le Conservatoire du Littoral (CDL) et soutenue par les crédits Life de l’Union européenne, poursuit le travail lancé par Adapto en 2012. Elle promeut une méthode de gestion souple du trait de côte pour répondre à l’enjeu d’adaptation au changement climatique dans les espaces naturels et forestiers littoraux. Il s’agit de consolider et diffuser largement cette méthodologie à la fois au sein de sites propriétés du Conservatoire du littoral, de l’ONF, mais également dans des sites où interviennent les collectivités territoriales. 

 

Accompagner les mutations

 

Parfois, la préservation des activités passe par leur transformation. Comme dans certaines stations de montagne, le groupe CDC pense incontournable de faire émerger de nouveaux modèles de développement afin de rendre ces territoires plus résilients face aux défis actuels et à venir. Certaines activités du littoral métropolitain sont en effet très dépendantes du climat, comme la conchyliculture, par exemple. Dans l’agglomération guadeloupéenne de Pointe-à-Pitre (100.000 habitants), qui connaît des périodes d’inondations et de submersion marine, 16 000 entreprises sont ainsi implantées dans une zone industrielle de 1 000 hectares. Or, sur l’île, à horizon 2100, la surface exposée à la submersion marine pourrait augmenter de 5%.

© Stéphan Gladieu

Afin d’anticiper cela, il faut parfois accompagner les mutations des activités économiques et, le cas échéant, leur repli (même si cette solution est encore difficilement acceptée car elle a des coûts culturels, politiques, sociaux et économiques importants). Il y a une sorte de défaitisme à se dire que la nature est plus forte que tout et qu’il faut reculer, et pourtant, cette solution peut permettre d’éviter de graves problèmes à venir.  Des réflexions sont menées avec les acteurs locaux pour éviter d’en arriver là, mais l’option existe. 

L’enjeu pour beaucoup de ces territoires exposés est d’adapter leurs activités économiques, voire de soutenir le développement de nouvelles filières au regard de l’évolution des conditions climatiques.

Sensibiliser les populations : un facteur déterminant

Repenser l’aménagement de ces territoires à court, moyen et long terme ne peut se faire qu’avec l’ensemble des acteurs territoriaux, dont les habitants, les usagers et les acteurs économiques. Il s’agit de se poser dès à présent les questions essentielles, telles que : que veut-on protéger ? Que choisit-on d’adapter ou de développer ? À quoi décide-t-on de renoncer ? 

La Banque des Territoires accompagne ainsi la commune de Miquelon-Langlade (Saint-Pierre-et-Miquelon), aux côtés de l’État et de la Collectivité territoriale, sur un projet de grande envergure de relocalisation de l’actuel village, situé à moins de 3 m au-dessus du niveau de la mer. En 2018, le plan de prévention des risques littoraux (PPRL) a cartographié les zones à risque pour les inondations. La presque totalité de cette commune de 600 habitants est concernée par une possible submersion. De nombreux terrains sont par là-même devenus inconstructibles, réduisant ainsi drastiquement les possibilités d’installation de ménages ainsi que des primo-accédants du village.

La première problématique, c’est de convaincre la population. Il faut savoir que le village de Miquelon est installé depuis plus de 200 ans, donc il a évolué au fil du temps. Aujourd’hui, on définit un nouveau village en l’espace de quelques années, donc ça mérite réflexion.

Denis Detcheverry

ancien sénateur-maire de Miquelon

 

© Stéphan Gladieu

 

 

Afin  d’aider les acteurs locaux à s’engager dans une réflexion collective autour du devenir du village, l’Etat a financé un Atelier des territoires en 2022 qui s’est prolongé en 2023. Cela a permis de définir les contours du projet du nouveau village. Il va être relocalisé sur une zone plus au sud, abritée du risque de submersion de l’océan Atlantique. Dans le cadre de son Plan dédié à l’adaptation des territoires ultra-marin au changement climatique, la Caisse des Dépôts est devenue partenaire de ce projet en 2023. À ce titre, elle cofinance une partie de l’ingénierie à hauteur d’1,1M€, notamment pour la conception du plan guide du nouveau village et de​​ la réalisation d'un équipement refuge qui a été imaginé pour pouvoir servir d’abri de repli en cas de catastrophe naturelle.

Afin de faire comprendre le projet et d’y faire adhérer les habitants, le volet concertation a été très soigné sur ce projet, car c’est souvent l’attachement historique et émotionnel qui fait que les relocalisations sont en général mal perçues. Dans le cadre de son appui au projet aux côtés des partenaires, la Caisse des Dépôts co-finance des actions de sensibilisation. Il s’agit à la fois de travailler à la mémoire de l’actuel village et à l’appropriation des lieux du futur village. Ainsi, l’artiste et géoscénographe Carolina E. Santoune y est installée provisoirement en résidence, au plus près de la population. Cela donnera bientôt lieu à une performance artistique avec les habitants et les enfants de la commune. 

Anne-Solange Muis, géographe et responsable de la concertation, confie : « Si on perd le lien, on perd la confiance dans le projet. Il fallait rassurer l’État, les habitants et d’autres niveaux d’acteurs. Les enseignants se sont tellement bien approprié le projet qu’ils ont créé une chanson sur Miquelon dans 30 ans ! »

Le village de Miquelon-Langlade fait l’objet de toutes les attentions car c’est la première fois qu’on déplace un village français entier pour anticiper les risques du changement climatique. Il pourrait servir d’exemple à d’autres endroits menacés. 

Embarquer le monde de la finance

 

Le financement de l’adaptation des territoires au changement climatique est un enjeu crucial pour les années à venir et se conjugue aux actions dédiées à l’atténuation des émission de GES. Non, la finance n’est pas l’ennemie du climat ! Depuis 2020, le groupe Caisse des Dépôts a déjà mobilisé 60 Md€ en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité. Afin d’accélérer la décarbonation du pays, le Groupe a revu son engagement à la hausse avec un programme de 100 Md€ sur cinq ans. 

Ce programme se décline en actions concrètes, notamment dans les secteurs les plus émetteurs de GES : le bâtiment, les transports et l’énergie et renforce le soutien du Groupe aux acteurs du territoire engagés dans la transformation. Cette enveloppe sera mobilisée par l’ensemble des entités financières du Groupe (la Banque des Territoires, Bpifrance, La Banque Postale, Sfil et CNP Assurances, essentiellement) sous forme de prêts (80 %) et d’investissements (20 %). Le but ? Créer un effet de levier en faveur d’une économie plus verte et attirer les investissements en faveur de la transformation écologique du pays.

© Stéphan Gladieu

 

 

 

 

La préservation de la nature nous permet d’adapter notre territoire à la hausse des températures. Les politiques climat et biodiversité du Groupe définissent clairement les secteurs dans lesquels nous devons concentrer notre action et ceux que nous devons exclure. Nous renforçons d’ailleurs notre politique biodiversité cette année pour l’élargir aux enjeux liés à l’eau.

Nathalie Tubiana

directrice des finances et de la politique durable de la Caisse des Dépôts

Le Groupe peut également compter sur ses partenaires européens. Dans la continuité de trois précédentes enveloppes signées en 2015, 2019 et 2020, qui ont permis la distribution de 2,8 Md€ au secteur public, la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Banque des Territoires ont procédé début 2023 à la mise en place d’une nouvelle ligne de financement de 500 M€ pour accompagner les collectivités dans leur transition écologique. Ce nouveau dispositif vise à rendre les financements européens plus accessibles aux projets de moins de 25 M€ portés par les petites ou moyennes collectivités. Au moins la moitié du montant de l’enveloppe doit être consacrée à des projets contribuant à lutter contre les effets du réchauffement ou à en atténuer les effets. L’objectif est d'améliorer l'accès au financement à long terme à des investissements de petite taille, entre autres pour l’efficacité énergétique des bâtiments et la rénovation urbaine, les réseaux d’eau et d’assainissement, l’éducation, les mobilités douces et les transports publics propres.

« Ensemble, on est plus fort ! » Réunis début mai 2024 à Paris, les acteurs du Climate Action 100+, qui regroupe des investisseurs engagés pour le climat, ont participé au forum « Investissement durable en Europe » en partenariat avec le programme des Nations-Unies pour l’environnement et le secteur financier (UNEP FI). L’objectif affiché était de trouver comment intensifier l’engagement du secteur financier dans la lutte contre le changement climatique. Les investisseurs institutionnels, dont la Caisse des Dépôts fait partie, ont souligné les défis rencontrés pour aligner leurs portefeuilles sur des objectifs de « net-zéro » carbone. 

Enfin, au niveau de tout l’arc méditerranéen, les Caisses des Dépôts de France, d’Italie, du Maroc et de Tunisie ont réaffirmé récemment leur ambition commune d’identifier des solutions pour faire face ensemble aux défis du bassin méditerranéen. Cet accord aboutit à la création d’un cadre permanent de concertation favorisant, d’une part, l’échange de bonnes pratiques et d’expertise entre eux ; et d’autre part, le dialogue avec l’écosystème financier pour promouvoir la mise en œuvre de projets concrets pour les populations concernées. 

Et maintenant ?

Les outils pour réussir l’adaptation des territoires aux conséquences du changement climatique sont nombreux. Socialement, les nombreux co-bénéfices d’une transformation écologique réussie seront synonymes d’une amélioration de la qualité de vie pour tous et sur tout le territoire, aussi bien en métropole qu’en Outre-mer. S’adapter n’est plus une option, c’est une nécessité car le temps presse, comme le disent les experts, nous n’aurons le temps que pour une transition d’ici 2050 !

 

La série de portraits qui illustre ce Grand Dossier a été réalisée par Stéphan Gladieu en 2022 et 2023 avec le soutien de la BNF et du Ministère de la Culture dans le cadre de la Grande Commande Photographique. Elle aborde l’identité française par le prisme des vacances, qui représentent un fort marqueur social et culturel. Le photographe a sillonné les côtes françaises pendant 55 jours à la recherche de témoins improvisés de nos sacro-saints congés payés. Par la diversité de son travail, il met en scène « la France qu’il aime. »
 

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Crédit © mathisa / Adobe Stock

MAI 2024

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FÉVRIER 2024

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SEPTEMBRE 2023

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